Instantané d'opinion cruel pour les défenseurs comme pour les adversaires les plus acharnés des deux mesures phares du projet de loi "Duflot" d'accès au logement et à un urbanisme rénové ("ALUR") : réalisé par Ipsos en novembre 2013 pour le réseau ORPI, il révèle une appréciation des dispositifs d'encadrement des loyers et de garantie universelle des loyers (GUL) en net décalage avec les attentes, et met en cause pas mal d'idées reçues.
Certes, 65% des locataires pensent que l'encadrement des loyers va apporter un changement, principalement l'assurance de payer le logement au juste prix (33%), ou fournir un repère auquel ils pourront se référer en cas de litige avec leur propriétaire (13%) ; mais seuls 13% pensent qu'ils vont bénéficier d'une baisse de leur loyer et un nombre non négligeable d'entre eux (7%) craignent que leur loyer augmente du fait de nouvelles règles ! Il est vrai que les médias ont largement repris l'argument des milieux professionnels selon lequel l'encadrement bénéficierait aux plus riches des locataires - ceux qui paient les loyers les plus chers - et se ferait au détriment des plus modestes, dont les loyers, aujourd'hui en dessous de ce que sera le "loyer médian minoré", pourraient au contraire augmenter...
Côté bailleurs, autre surprise : un sur deux (50%) pense que l'encadrement des loyers ne changera rien pour lui, et parmi les autres, seuls 20% y voient une perte de liberté ; 19% y voient au contraire un repère auquel ils pourront se référer pour fixer le montant du loyer de leur bien ; de même seuls 11% y voient une potentialité de perte de rentabilité et ils sont aussi peu nombreux à envisager de retirer leur bien du marché locatif... A noter que 5% y voient même la garantie de trouver plus facilement des locataires !
Concernant la garantie universelle des loyers (GUL), le sentiment qu'elle apportera un changement est fortement majoritaire : 68% chez les locataires et 75% chez les bailleurs. Mais seuls 36% des locataires et 33% des bailleurs y voient un coût supplémentaire non négligeable dans leur budget (l'hypothèse au moment du sondage était qu'une taxe pour financer la garantie serait partagée par moitié entre bailleurs et locataires).
Par contre, côté locataires, 20% voient dans la GUL une sécurité supplémentaire en cas de coups durs et 12% un recours en cas de litige avec votre propriétaire !
Côté bailleurs, 18% seulement y voient une garantie renforcée face aux risques d'impayés par rapport aux garanties existantes (garantie des loyers impayés et garantie des risques locatifs). Mais 15% seulement y voient un motif que leur locataire pourra invoquer pour ne pas payer son loyer ! 9% y voient même un recours en cas de litige avec leur locataire ! L'argument des professionnels et des assureurs invoquant l' "aléa moral" (le risque d'une explosion des impayés par déresponsabilisation des locataires comme des propriétaires), également largement diffusé par les médias, n'a pas fonctionné...
Enfin, s'il l'on est tenté de voir dans les autres résultats du sondage des relations très majoritairement bonnes entre bailleurs et locataires, un bémol s'impose : si seuls 4% des bailleurs estiment avoir de mauvaises relations avec leurs locataires, ces derniers sont plus du double (9%) à avoir l'impression réciproque, l'essentiel de la différence venant sans surprise de l'état d'entretien et les travaux dans le logement, et des charges. Par ailleurs, le fait que 56% des locataires trouvent leur loyer élevé mais supportable, et que seuls 23% le jugent excessif, pourrait paraître rassurant. En fait, cela fait 79% de locataires jugeant leur loyer élevé alors que les zones tendues ne dépassent pas 40% des locations ! Ce sentiment déborde donc largement sur les secteurs du territoire à loyers faibles ou modérés, alors que seuls 21% des locataires interrogés trouvent leur loyer bon marché...
(1) sondage Ipsos pour ORPI, réalisé du 14 au 19 novembre 2013 : " La relation entre les bailleurs privés et les locataires en France"
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