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Copropriété : quand notaires et professionnels découvrent l'information de l'acquéreur Le 10/5/2014
UI - Actus - 10/5/2014 - Copropriété : quand notaires et professionnels découvrent l'information de l'acquéreur
"Choc de complication", des promesses de vente d'un kilo, embouteillage chez les notaires, facturations en catimini chez les syndics : les mesures de la loi "ALUR" entrées en vigueur le 27 mars 2014, organisant l'information de l'acquéreur de lots de copropriété préalablement à la signature de l'avant-contrat de vente, et surtout avant le fin du délai de rétractation, provoquent un concert de récriminations et semblent avoir pris tout le monde de court ! Alors même que ces mesures, déjà recommandées dans le rapport "Braye" de 2012, était connues avec précision depuis plus d'un an, et que tout professionnel sérieux savait qu'elles étaient d'une urgence criante !

L'information de l'acquéreur : apparemment pas l'affaire des professionnels !



Jusqu'à la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et à un urbanisme rénové ("ALUR"), l'information obligatoire de l'acquéreur d'un logement en copropriété se limitait au "dossier de diagnostic technique", comprenant l'attestation de surface "Carrez", le DPE (diagnostic de performance énergétique, et les diagnostics et états obligatoires en fonction de l'âge de l'immeuble et de sa localisation (risque d'exposition au plomb, amiante, termites, installation électrique et gaz, risques technologiques, naturels et miniers, sans oublier désormais la présence éventuelle de mérule...).

Du moins avant qu'il signe la promesse de vente, ou avant que ne courre le délai de rétractation lui permettant d'annuler son engagement. Rien sur la copropriété, les charges, la situation financière du syndicat, l'existence de procédures internes, d'impayés, de situation de quasi-faillite.

Sur l'état de l'immeuble, son entretien et les travaux à prévoir, l'obligation du vendeur se limitait au carnet d'entretien - document obligatoirement tenu par les syndics mais a minima, ne donnant la plupart du temps que la liste des contrats, rarement l'historique des travaux antérieurs, et encore moins de vue sur l'avenir, et si l'immeuble a été mis en copropriété alors qu'il était âgé de plus de 15 ans, un diagnostic technique portant constat - à cette époque - "de l'état apparent de la solidité du clos et du couvert et de celui de l'état des conduites et canalisations collectives ainsi que des équipements communs et de sécurité" (article L111-6-2 du Code de la construction et de l'habitation , introduit par la loi «SRU»). Pour les autres immeubles, rien d'autre !

Pour en savoir plus, l'acquéreur devait attendre la signature de l'acte authentique, où on lui fait découvrir brièvement l' "état daté" établi par le syndic de la copropriété à la demande du notaire qui établit l'acte, et qui indique les provisions qu'il devra régler en conséquence du budget et des travaux votés, et la somme correspondant, pour les deux exercices précédents, à la quote-part afférente aux lot achetés dans le budget prévisionnel et dans le total des dépenses de travaux. Il mentionne également, s'il y a lieu, "l'objet et l'état des procédures en cours dans lesquelles le syndicat est partie".

Certes, chez le notaire, l'acquéreur peut encore rompre son engagement s'il estime que les informations qu'il découvre ont "vicié son consentement" : en d'autres termes si le fait de les avoir connues l'aurait conduit à ne pas acheter. Le problème est que la plupart des acquéreurs, soit ne le savent pas, soit, pressés de signer après un parcours du combattant, n'y prêtent pas attention ! Et même s'ils le faisaient, ils ont de toutes façons le déménagement dans le camion...

Bien entendu, l'acquéreur peut toujours exiger les informations utiles avant de donner son accord "sur la chose et sur le prix" (donc au stade de la promesse de vente, là où la vente est conclue) ; mais la plupart du temps, sauf s'il a déjà une longue expérience de copropriété derrière lui, il ne sait ce qu'il doit demander, et ne bénéficie dans la pratique d'aucun conseil. Les agents immobiliers, bien qu'ils s'en défendent, ne roulent que pour le vendeur qui les a mandatés - les "chasseurs d'appartement" qui travaillent sur mandat de recherche sont une infime minorité et travaillent essentiellement dans le haut de gamme - et les notaires, lorsqu'ils interviennent au stade de la promesse de vente, se contentent d'un contrôle formel des documents obligatoires.

D'où une situation où - les sondages le montrent constamment - les copropriétaires achètent les yeux fermés, au simple vu de ce qu'ils ont pu discerner lors des visites, et deviennent membres d'une collectivité dont ils ne savent rien avant de signer !

C'est contre cette situation véritablement scandaleuse, dénoncée notamment par le rapport "Braye" de 2012 (1) qu'a voulu réagir la loi "ALUR", en intégrant la plupart de ses recommandations.


La loi ALUR: rien que du strict nécessaire !



Que prévoit-elle pour qu'agents immobiliers - ouvertement - et notaires - plus discrètement - crient au loup, et au "choc de complication" ? "De nouvelles obligations qui risquent d'avoir un impact sur les négociations entre vendeurs et acheteurs", pronostique Jean-François Buet, président de la FNAIM, cité par Capital.fr. Comme si une bonne négociation impliquait d'occulter certaines informations ! D'autres noircissent le tableau, comme Thierry Delassale, de la Chambre des notaires de Paris, qui dresse au même média un tableau apocalyptique "Un véritable travail de bénédictin, qui nous contraint à faire des aller-retours entre les services des hypothèques et les syndics, et qui de facto risquent fort de prendre des semaines sur chaque vente"... Du pur délire, gobé tout cru par notre confrère !

En fait il s'agit tout simplement des documents et des informations minimales que tout acquéreur devrait avoir en mains avant de s'engager, ou au moins avant de décider ou non de se rétracter !

Passons-les en revue :

- d'abord le minimum : le règlement de copropriété et ses modificatifs, puisqu'ils décrivent notamment sa participation aux charges, et qu'ils feront partie intégrante de son acte de vente ;

- le carnet d'entretien de l'immeuble ;

- les procès-verbaux des assemblées générales des trois dernières années, "si le copropriétaire vendeur en dispose" ;

- le montant des charges courantes du budget prévisionnel et des charges hors budget prévisionnel (travaux) payées par le vendeur au titre des deux exercices comptables précédant la vente ;

- les sommes pouvant rester dues par le copropriétaire vendeur au syndicat des copropriétaires et les sommes qui seront dues au syndicat par l'acquéreur ;

- l'état global des impayés de charges au sein du syndicat et de la dette vis-à-vis des fournisseurs ;

Plus tard, le vendeur devra ajouter :

- la fiche synthétique de la copropriété que le syndic devra établir dans le même délai que celui dans lequel il devra immatriculer la copropriété au registre national en cours de création (suivant la taille de la copropriété fin 2016, 2017 ou 2018)

- le montant de la part du fonds de travaux rattachée au lot principal vendu et le montant de la dernière cotisation au fonds versée par lui au titre de son lot ;

- une notice d'information relative aux droits et obligations des copropriétaires ainsi qu'au fonctionnement des instances du syndicat de copropriété, dont le contenu sera fixé par arrêté ;

- s'il ont été réalisés, le diagnostic technique global et le plan pluriannuel de travaux que le syndic devra proposer à compter du 1er janvier 2017.


Qui doit fournir les éléments exigés, et à la charge de qui ?



Les réactions des milieux concernés depuis la publication de la loi révèlent une surprenante impréparation des acteurs - agents immobiliers, syndics de copropriété et notaires - et la plus grande confusion sur la responsabilité de fourniture des éléments exigés ! Il ne fait pourtant aucun doute que cette responsabilité - la loi ne permet aucune ambigüité à ce sujet -, incombe au vendeur, seul en charge d'informer son acquéreur sur la chose vendue, qui n'est pas qu'un appartement, une cave un parking, mais aussi une quote-part des parties communes et un ticket de participation, pour le meilleur comme pour le pire, au syndicat de copropriétaires. Aucun tiers, non mandaté par lui, ne peut s'immiscer dans cette tâche sans risquer, soit d'induire l'acheteur en erreur par une survalorisation du bien, soit au contraire de casser la vente par des informations trop négatives ! Le syndic, en particulier n'a en aucun cas à entrer en contact avec les candidats acquéreurs ou accepter de répondre à leurs questions : tenu par le secret professionnel, il n'a à connaître que les copropriétaires, et ne doit communiquer, le moment venu, que les informations prescrites par la règlementation.

On objectera que le vendeur ne dispose pas de tous les documents et informations nécessaires ! C'est exact, et il incombe alors au syndic de les lui fournir afin qu'il les communique : c'est le cas par exemple du carnet d'entretien qui doit être tenu en permanence à jour. Par contre, les autres documents et informations sont censés être en sa possession : le règlement de copropriété, le diagnostic technique antérieur à la mise en copropriété de l'immeuble, qu'il doit avoir eu lors de son achat, les procès-verbaux des assemblées générales, le montant des charges courantes du budget prévisionnel et des charges hors budget prévisionnel payées par lui, ou encore l'arriéré qu'il a au moment de la vente et ce qui sera dû au syndicat par l'acquéreur !

Il pourra être également objecté que nombre de vendeurs seront perdus devant une telle liste de documents à fournir et ne sauront pas s'y retrouver dans leurs archives, où qu'il les auront égarées. Y compris le règlement de copropriété comme on le voit souvent. Les agents immobiliers et les notaires ont dans ce cas leur rôle à jouer pour les aider à faire le tri de leurs papiers, sans forcément aller à la facilité qui consiste à solliciter le syndic ! Ils devront le faire en amont, pour être prêts dès qu'un acquéreur se présente. Cela s'appelle tout simplement constituer un dossier de vente...

Par ailleurs, la loi ALUR prévoit aussi qu'à compter du 1er janvier 2015, les syndics professionnels devront proposer "un accès en ligne sécurisé aux documents dématérialisés relatifs à la gestion de l'immeuble ou des lots gérés, sauf décision contraire de l'assemblée générale". Les documents et informations à fournir devront nécessairement en faire partie, afin de pouvoir être téléchargés à volonté. En réalité, beaucoup de syndics proposent déjà ce type d'"Extranets", permettant aux copropriétaires de remplir leur devoir d'information.

Pour les autres, en attendant la mise en place, la question peut se poser pour l’état global des impayés de charges au sein du syndicat et de la dette vis-à-vis des fournisseurs : d'aucuns ont immédiatement pris pour hypothèse qu'il s'agissait d'informations nécessairement actualisées au jour de la vente, à fournir dans ce cas nécessairement par le syndic, le cas échéant plusieurs fois si la vente n'aboutit pas avec un premier candidat, puis un deuxième... Rien ne permet d'étayer cette interprétation, par rapport à celle selon laquelle le vendeur n'a à communiquer que les informations en sa possession, à savoir celles fournies dans la convocation à la dernière assemblée annuelle, qui font parfaitement l'affaire.

La première interprétation semble avoir la faveur de nombreux syndics, qui ont déjà commencé à facturer des "pré-états datés", pour le moment en toute illégalité ! En effet, la loi relative à la copropriété (2) exclut toute facturation individuelle d'honoraires en dehors des cas prévus par son article 10-1, dont l'un vise les "honoraires du syndic afférents aux prestations qu'il doit effectuer pour l'établissement de l'état daté à l'occasion de la mutation à titre onéreux d'un lot ou d'une fraction de lot". Le seul "état daté" prévu aujourd'hui par les textes est celui qui est fourni au notaire pour l'établissement de l'acte authentique, qui continue nécessairement à exister ! Il n'est nulle part question de "pré-état daté" à fournir avant la vente ou à l'occasion de la signature de la promesse de vente, et il est peu probable que le législateur ait voulu, alors que ces mesures ne sont pas soumises à décret d'application, alourdir les frais de vente pour les copropriétaires.

Il est vrai que le principe de précaution voudrait que les vendeurs fournissent des informations actualisées, la sanction - le fait que le délai de rétractation ne court qu'à compter du lendemain de la communication de ces documents à l'acquéreur - étant potentiellement grave. Les pouvoirs publics feraient bien, par exemple par le biais d'une réponse ministérielle, de lever cette incertitude, sachant que seule la jurisprudence est à même d'apporter une réponse formelle...

En attendant, il serait de bon ton que les syndics fournissent à la demande une "balance" des comptes du syndicat : un simple tirage à adresser par mail suffit à sécuriser les vendeurs !



(1) ANAH - 19 janvier 2012 - rapport : "Prévenir et guérir les difficultés des copropriétés"
et synthèse du rapport

(2) loi du 10 juillet 1965, telle que modifiée par la loi "ALUR" du 24 mars 2014

Voir notre dossier : Loi ALUR - Mesures immédiates et différées

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