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Loi Duflot : et si on demandait leur avis aux locataires ? Le 1/6/2014
UI - Actus - 1/6/2014 - Loi Duflot : et si on demandait leur avis aux locataires ?
Jusqu'ici dans les médias, c'est la voix des propriétaires et des professionnels qui a été relayée. A les entendre, la loi "ALUR", de Cécile Duflot, ferait l'unanimité contre elle ! Les propriétaires seraient prêts à retirer leurs logements de la location et les agents immobiliers et administrateurs de biens à changer de métier... La chute de la construction, la réticence des investisseurs, le marasme du marché de la revente, la baisse (modeste) des prix - globalement plutôt une bonne nouvelle ! -, c'est lui ! Comme si l'effet récessif de la cure d'austérité que subit la France depuis trois ans (plus de 100 milliards de ponction sur le budget des ménages et des entreprises entre les hausses d'impôts et les réductions de dépenses) n'y était pour rien ! Ceux qui s'intéressent tant au pouvoir d'achat des Français devraient pourtant apprécier le coup de pouce qui lui sera donné, en particulier à celui des classes moyennes et des étudiants, par l'encadrement des loyers et le plafonnement des honoraires d'agence, sans compter la meilleure protection contre les propriétaires indélicats...

Du pouvoir d'achat pour les locataires



Le parc locatif privé loge plus de 5 millions de locataires, soit 21% des ménages français. Ils appartiennent à ce qu'on qualifie de "classes moyennes", mais il y a aussi parmi eux un grand nombre de jeunes, et de ménages à revenus modestes ou faibles, largement demandeurs de deux des mesures de la loi que la précédente ministre du logement, Cécile Duflot, a fait voter contre vents et marées, et qui a provoqué l'ire des propriétaires et des professionnels - la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et à un urbanisme rénové ("ALUR") : l'encadrement des loyers et le plafonnement des honoraires de location.

Concernant le premier, il s'agit non pas d'une réduction autoritaire de tous les loyers comme on a voulu parfois le faire croire, mais d'un écrêtage des loyers les plus élevés dans les zones les plus "tendues". Sur la base d'un maillage du territoire en cours de définition, et sur la foi de données produites par des observatoires locaux des loyers en cours de mise en place, les préfets arrêteront des loyers médians de référence par type de logement (en principe la taille), et fixeront des loyers de référence majorés, égaux aux loyers médians plus 20%. Dans la version votée par le parlement, les loyers de référence majorés pouvaient être inférieurs à ce plafond en fonction de considérations locales, mais le Conseil constitutionnel a supprimé cette possibilité comme susceptible de rompre l'égalité devant la loi.

Les propriétaires ne pourront dépasser ces loyers de référence majorés pour les nouvelles locations, et devront réduire les loyers des locataires en place au moment de la reconduction du bail s'ils dépassent ces maxima. Ils pourront demander néanmoins un complément de loyer exceptionnel si les caractéristiques du logement le justifient par leur qualité. Ce complément n'est en principe non limité, mais il pourra être contesté par le locataire, dans un premier temps devant les commissions départementales de conciliation, puis devant le juge. Le loyer sera alors fixé à dire d'expert.

Selon l'observatoire CLAMEUR ("Connaître les loyers et analyser les marchés sur les espaces urbains et ruraux"), le mécanisme d'écrêtage des loyers de marché concernera (en moyenne et aux conditions de marché de l'année 2013) de l'ordre de 20% des relocations et locations nouvelles réalisées dans les 10 premières villes. La baisse de ces loyers écrêtés pourrait être aussi en moyenne de 20% par rapport aux niveaux actuels.

A Paris, cet écrêtage pourrait concerner 20,7% du marché, avec une baisse moyenne de 23,1%, entraînant une baisse moyenne de l'ensemble des loyers de 4,8%. Mêmes effets à peu près à Marseille et à Lyon. Par contre, à Nice, la part du marché touché atteindrait 22,1%, avec une baisse pour les loyers écrêtés de 28,6% et une baisse moyenne générale de 6,3% ! A l'inverse, des villes plus sages comme Toulouse, Montpellier et surtout Nantes seraient moins touchées : dans cette dernière, l'écrêtage ne concernerait que 15% du marché, entraînant un écrêtage de 14%, et une baisse générale de 2,2%. A noter que l'écrêtage fait bouger la moyenne des loyers mais pas le loyer médian, les loyers écrêtés restant dans la moitié des loyers les plus élevés ; la diminution de l'ordre de 4% du niveau moyen des loyers de marché se fera en une fois, et les ménages modestes qui supportent les loyers les plus bas ne vont guère en bénéficier. L'effet économique sera par contre indéniable, en redonnant aux classes moyennes locataires un surcroît de pouvoir d'achat...

L'encadrement devrait aussi grandement aider les étudiants (les locations meublées y sont également soumises) ou les jeunes ménages qui louent des petites surfaces à loyers au m2 élevés, et ceux, encore plus pauvres, confrontés à des marchands de sommeil louant des meublés et de micro-chambres de bonnes pour des loyers exorbitants. A condition, évidemment, que les victimes osent recourir à la justice pour faire jouer le droit à une baisse de loyer que leur ouvre la loi "ALUR"...

La grande interrogation, pour les locataires comme pour les propriétaires est de savoir comment seront calculées des loyers médians pertinents, sur des quartiers homogènes, sans mélanger les secteurs "huppés" et des secteurs populaires. Une rue ou un canal suffisent parfois à les séparer...

Concernant les honoraires de location, les locataires passant par agence immobilière ou s'adressant à un gérant locatif agissant pour le compte d'un propriétaire privé devaient, alors qu'ils ne l'avaient pas mandaté pour leur chercher un logement, supporter la moitié de sa commission et des honoraires de rédaction d'acte (et même la totalité lorsqu'il s'agit de locations meublées). Alors qu'en s'adressant à un propriétaire privé louant en direct, ils n'ont aucun coût à supporter. Cette situation était mal vécue par les locataires qui voient s'alourdir fortement le coût d'un déménagement, et sur un plan plus général constituait un frein à la mobilité, notamment dans les zones tendues. Pour deux raisons :

- la commission de location était calculée en pourcentage des loyers, avec pour conséquence le paradoxe de voir les locataires facturés des montants les plus élevés là où la location est la plus facile,

- la facilité de location dans les zones tendues mettant les professionnels en concurrence avec les propriétaires estimant pouvoir louer tout seuls, les agents immobiliers et gérants locatifs se sont laissé aller (à grande échelle comme l'ont reconnu les dirigeants des grandes fédérations professionnelles, reprochant même aux services de répression des fraudes de ne pas faire leur travail...) à faire remise de leur part aux propriétaires et à facturer la totalité de leur rémunération aux locataires, forçant encore un peu plus sur les taux de commission !

Cécile Duflot, dans la première version de son projet de loi, avait prévu d'exonérer totalement les locataires de tout honoraire de location, comme l'avait fait Roger Quilliot dans la première version de sa loi en 1982, avant de reculer devant le lobby des professionnels et d'instaurer le partage par moitiés en vigueur jusqu'en mars dernier. Il est vrai que c'était déjà un progrès, car la pratique générale en matière d'immobilier, lorsqu'il n'y a pas de législation contraire, consiste à mettre les honoraires du mandataire à la charge du locataire, comme l'a montré une étude du réseau ERA dans 11 pays européens ou quasi-européen (Autriche, Belgique, Bulgarie, République Tchèque, Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Suède, Suisse et Turquie) ; seuls la Bulgarie, les Pays-Bas et, dans certains cas, l'Autriche et la Suède prévient un partage des honoraires entre propriétaire et locataire, et un seul pays fait porter la charge des frais d’agence sur le propriétaire seul : le Portugal. Partout ailleurs les honoraires sont payés intégralement par le locataire.

En revanche, le projet de loi Duflot instaurait un partage des honoraires relatifs à l'établissement de l'état des lieux, ce qui n'était pas le cas auparavant.

Après un dur combat, mettant en avant le risque que les propriétaires préfèrent louer en direct sans frais plutôt qu'avoir recours à leurs services avec les conséquences économiques en résultant, les professionnels ont obtenu dans la version finale de la loi que les honoraires de quatre prestations soient partagés par moitiés avec les locataires :

- la visite du logement,

- la constitution du dossier du locataire,

- la rédaction du bail,

- la réalisation de l'état des lieux, mais avec une précision malicieuse : il faut que le professionnel ait été mandaté par les deux parties, en d’autres termes que le mandataire qui effectue l’état des lieux ait préalablement fait signer par le bailleur et le locataire un document l’habilitant à effectuer l’état des lieux pour leur compte ; à défaut, aucun frais ne peut être facturé au locataire si l'état des lieux est réalisé en la seule présence du bailleur ou en présence d'un tiers mandaté par lui seul, comme le site Servi-public.fr n’a pas manqué de le souligner (1)...

Le reste des honoraires, et notamment ceux relatifs à la recherche du locataire doivent rester à la charge exclusive du propriétaire.

Et afin que les professionnels ne forcent la note sur les quatre postes autorisés, il a été prévu que ceux-ci seraient plafonnés par un décret qui devrait paraître incessamment (en attendant, le montant de ces honoraires est libre)...

Tout dépend évidemment de ce plafonnement qui doit être fixé par zone géographique et par m2 de surface habitable. Selon des informations qui ont circulé avant le changement de ministre, il était question de 12 euros le mètre carré à Paris et dans les zones très tendues (correspondant à la zone A bis du dispositif d’investissement locatif Duflot), à 10 euros le mètre carré dans les autres villes de plus de 50.000 habitants souffrant d’un manque de logements (correspondant à la liste des 28 agglomérations concernées par l’encadrement des loyers, hors Paris) et à 8 euros dans le reste de la France. L'état des lieux était compté pour 2 euros dans ces chiffres. Ce qui mettrait la part locataire des honoraires à 240 euros pour un studio de 20 mètres carrés loué 600 euros à Paris. Soit une économie de 360 euros par rapport aux honoraires pratiqués actuellement. De manière générale, la note pourrait bien être réduite de près de 50% en moyenne dans les zones tendues.

Autre effet collatéral de cette mesure : les professionnels, qui pour l'obtenir, n'ont pas ménagé leurs efforts pour faire admettre que leur prestation bénéficiait aussi aux locataires, vont devoir prouver que c'est vrai en leur accordant un peu plus d'attention qu'auparavant...

Enfin, ne négligeons pas non plus l'économie que pourront faire les locataires qui doivent changer de logement par la réduction à un mois de la durée du préavis dans les zones tendues, en même temps que les effets favorables de cette mesure sur la mobilité résidentielle !


Des droits et une professionnalisation des propriétaires



Sur le plan des rapports bailleurs-locataires, la loi "ALUR" ne change pas grand chose pour les propriétaires respectueux des règles et de leurs locataires. Elle vise principalement les bailleurs indélicats, et accessoirement leurs mandataires :

- imposition d'un bail-type pour ceux qui seraient tentés d'y insérer des clauses léonines ou abusives,

- possibilité d'agir en réduction du loyer en cas de tromperie sur la surface du logement,

- interdiction d'effectuer des travaux abusifs ou vexatoires et moyens donnés aux locataires de les faire arrêter,

- garanties renforcées pour les locataires faisant l'objet d'un congé pour reprise ou pour vente, notamment "à la découpe", ou dont le logement fait l'objet d'une vente "occupé", et meilleure protection des locataires âgés à faibles ressources,

- interdiction pour les administrateurs de biens de facturer des frais pour l'envoi d'avis d’échéance ou de quittances,

- meilleure transparence dans les régularisations de charges, allongement du délai de consultation des dépenses, et sanction pour les bailleurs qui y procèdent tardivement,

- délai de restitution des dépôts de garantie raccourci à un mois et important renforcement des sanctions en cas de retard, en même temps que l'obligation, dans les retenues pour réparations, de prendre en compte la vétusté, pour les propriétaires tentés de faire payer à des locataires restés longtemps dans les lieux la nécessaire remise en état avant relocation...


La loi étend aussi aux logements meublés loués à titre d'habitation principale l'essentiel des protections s'appliquant aux locations nues, alors qu'ils y échappaient jusqu'à présent !

A noter a contrario qu'elle protège aussi un peu plus les bailleurs contre les locataires indélicats : par exemple la possibilité pour le bailleur de souscrire lui-même une assurance de responsabilité au frais de son locataire si celui-ci ne produit pas l'attestation annuelle obligatoire, ou encore l'obligation pour un locataire qui sous-loue son logement de produire à son sous-locataire l'autorisation du propriétaire...



(1) Service-public.fr – 27-3/2014 : "Les frais d'état des lieux peuvent-ils être mis à la charge du locataire ?"


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