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La Cour des comptes pointe le gouffre des aides au logement Le 13/2/2010
UI - Actus - 13/2/2010 - La Cour des comptes pointe le gouffre des aides au logement
6,3 millions de ménages ont reçu 14,7 milliards d'euros d'aides au logement en 2008, dont 8,4 d'allocations de logement et 6,3 d'aides personnalisées au logement. Avec la crise, leur nombre ne cesse d'augmenter, de plus en plus de personnes se trouvant avec des revenus inférieurs aux plafonds pour en bénéficier. Si la part de ces sommes revenant aux locataires du secteur social (43%) peut être considérée comme un véritable allègement de l'effort consenti pour le logement, celle de près de 9 milliards consacrée aux locataires du privé remplit-elle vraiment sa fonction et n'a-t-elle pas contribué à la hausse des loyers ? Après de nombreux spécialistes, c'est la question qu'avait posé la Cour des comptes au gouvernement dès 2007 et qu'elle réitère dans son rapport de 2010...

Un gouffre de 9 milliards d'euros



Dans son rapport annuel de 2007, la Cour des comptes constatait l’impossibilité pour les pouvoirs publics de maintenir l’efficacité sociale des aides personnelles au logement, à effectif d’allocataires stable et à dépense publique inchangée ; elle s'était prononcée en faveur de plusieurs réformes des aides au logement. Deux ans après, "si les suggestions techniques de la Cour ont été reprises, il n'en va pas de même pour ses recommandations". Elle les réitère donc en ce début 2010, et lance des pistes de réflexion en vue de la réforme - dont on ignore encore et le contenu, et le calendrier - devant intervenir dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

Depuis la parution du rapport de 2007, le nombre des allocataires et le montant des dépenses, à la charge conjointe de l’Etat et de la sécurité sociale, n’ont cessé d’augmenter : en 2008, 6,3 millions d’allocataires percevaient des aides au logement pour un montant de 14,7 milliards d'euros. La crise économique et sociale devrait en outre être la source d’une nouvelle évolution à la hausse, un nombre croissant de ménages se retrouvant par l'effet des licenciements ou des diminutions de revenus en dessous des plafonds de revenus permettant d'en bénéficier.

La Cour avait demandé en 2007 une évaluation plus fine de l'efficacité des aides au logement. Elle rappelle que ces "aides ont une incidence difficile à mesurer sur l'amélioration du parc de logement" et que des études statistiques - fondées sur des chiffres de l'Insee - ont évoqué "un effet inflationniste sur le marché locatif, au détriment notamment des ménages à bas revenus". D'où, estime la Cour, la nécessité "d'une analyse spécifique" de cette question, menée par le ministère du Logement.

Les aides au logement n'ont pas en effet la même efficacité suivant qu'elles bénéficient aux locataires du par social ou à ceux du parc privé. Les premières sont essentiellement l'APL (aide personnalisée au logement) ; elles représentaient 43% du montant global, soit 6,3 miliards en 2008. Elles constituent un véritable allègement de l'effort consenti pour le logement, les organismes HLM ne fixant pas leurs loyers suivant les lois du marché.

Au contraire, celles qui bénéficient aux locataires du parc privé ont pu les aider à payer des loyers plus chers, alimentant ainsi la hausse des loyers, les bailleurs privés ont naturellement tendance à fixer les leurs au niveau le plus élevé que peuvent ou acceptent de payer les candidats. Sur les marchés tendus, les aides que perçoivent les locataires leur permettent de prendre des locations à un niveau plus élevé qu'ils ne l'auraient pu sans elles, alimentant ainsi une inflation dont ils pâtissent ensuite : la Cour des comptes relève qu'entre 2004 et 2008, le taux d’effort médian (loyer + charges – aides au logement) des bénéficiaires des aides n'est passé que de 15,6% à 16,5% pour les locataires du parc social, alors qu'il passait de 31,9% à 35,4% pour ceux du parc privé !

La Cour des comptes constate ainsi que les aides au logement permettent de moins en moins aux locataires privés de faire face à leur loyer et à leurs charges, et que dans le même temps, plus de la moitié des locataires du parc social ont des ressources trop élevées pour être éligibles aux aides personnelles. "Ce sont tout autant les conditions d’occupation du parc social que l’objectif de solvabilisation des ménages par les aides qui se trouvent ainsi mis en cause", commente-t-elle. Elle se propose d'examiner avec attention dans les années à venir l'application qui sera faite des dispositions de la loi "Boutin" du 25 mars 2009 destinées à permettre d'augmenter la mobilité des locataires du parc social en fonction de l’évolution des revenus et de la taille du ménage. Ainsi un plus grand nombre de bénéficiaires des aides personnelles pourraient se voir attribuer un logement social, ce qui allègerait d'autant leur taux d'effort... et celui de la collectivité, le montant des aides étant lié à celui des loyers !


Des pouvoirs publics embarrassés



On comprend que le gouvernement ait quelques réticences à toucher, dans la situation économique actuelle à un système de distribution d'aides dont dépend l'équilibre budgétaire de millions de ménages, même s'il est patent qu'une bonne part de ces milliards constituent en fait une subvention massive des bailleurs privés !

Les réponses ministérielles citées dans le rapport reflètent un embarras évident ! Au ministère du Budget, on indique que ces aides "sont un instrument de soutien à la demande", et que "compte tenu de l'existence d'un marché du logement, il peut être noté que toute action sur la demande a des effets sur l'offre, et réciproquement"... Au ministère du Logement, on répond qu'il importe de mesurer dans quelles proportions les aides au logement contribuent à l'équilibre financier des opérations de construction de logements sociaux. Quant au parc privé, on rappelle que les aides au logement sont calculées avec les mêmes loyers plafonds dans le parc public et dans le parc privé (de fait 73% des allocataires ont un loyer supérieur au plafond), et que cela permet de prévenir cet effet inflationniste dans le secteur privé, ce qui est dans les faits pour le moins contestable...


Pour les étudiants, une prise en compte des ressources des parents ?



S’agissant des étudiants, alors que la Cour estimait en 2007 que les aides pourraient faire l’objet d’un "recentrage" significatif, la seule mesure les concernant a été selon elle l’indexation sur l’IRL (indice de référence des loyers) à partir du 1er janvier 2009 du plancher de revenu forfaitaire qui leur est applicable.

"Les étudiants bénéficiaires sont toujours au nombre de 680.000 environ, et les aides personnelles demeurent faiblement redistributives", indique-t-elle. Les planchers forfaitaires de revenu diffèrent peu selon que l’étudiant est ou n’est pas boursier (5.700 euros et 7.100 euros respectivement). Or en 2009, le nombre des allocataires non boursiers est deux fois et demi plus élevé que celui des allocataires boursiers.

Par ailleurs, le revenu de la famille n’est toujours pas un critère décisif de l’attribution des aides. L’idée, un temps avancée lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009 puis par le groupe de travail animé par le haut-commissaire à la jeunesse, de prendre en compte le revenu des parents dans le calcul des aides, a été écartée.

La Cour considère que "le centrage des aides sur les étudiants boursiers reste une nécessité impérieuse tant au regard de la justice sociale que de la situation des finances publiques"...



Des aides devenues difficilement remplaçables



Trois aides au logement coexistent : l’allocation de logement familiale (ALF), financée par le fonds national des prestations familiales (FNPF) de la Sécurité sociale, l’allocation de logement sociale (ALS) et l’aide personnalisée au logement (APL) relèvent du fonds national d'aide au logement (FNAL).

L’ALF a été créée en 1948 pour solvabiliser les familles face à la hausse des loyers des logements neufs lors de la reconstruction. Cette aide est à présent attribuée aux familles avec enfants ou ayant à charge un ascendant ou un proche parent infirme et aux jeunes couples mariés sans enfant à charge qui n’entrent pas dans le champ d’application de l’APL.

L’ALS a été créée en 1971 pour aider d’autres catégories de personnes que les familles à se loger. Cette prestation s’adressait initialement à des personnes âgées de plus de 65 ans (deux bénéficiaires sur dix sont retraités), à des personnes handicapées, à des jeunes travailleurs âgés de moins de 25 ans. A partir de 1991, l’ALS a été étendue progressivement à toute personne non éligible à l'ALF ou à l'APL, et notamment aux étudiants qui sont plus du quart des bénéficiaires.

L’APL créée en 1977, s’adresse à toute personne locataire d’un logement neuf ou ancien qui a fait l’objet d’une convention entre le propriétaire et l’Etat. Cette convention fixe, entre autres, l’évolution du loyer, la durée du bail et les normes de confort. L’APL concerne également les accédants à la propriété (ou déjà propriétaires) et ayant contracté un prêt aidé par l’Etat [prêt conventionné (PC), prêt à l’accession sociale (PAS) et anciens prêts d’accession à la propriété (PAP)].

Sans surprise, le plus grand nombre de bénéficiaires d’aides au logement résident dans les zones densément peuplées. En France, au 1er janvier 2007, un habitant sur cinq vivait dans un logement couvert par les aides au logement. Cette proportion varie fortement en fonction des départements, de 13% (Haute-Savoie) à 32% (Réunion). La proportion à Paris est de 18%.

Le nombre de foyers bénéficiaires était d'un peu moins de 4 millions en 1988, dont moins de un million en ALS, 1,1 million en ALF et 2 millions en APL. Ils sont 6,3 millions 22 ans plus tard, dont 2,3 millions en ALS, 1,3 million en ALF et 2,6 millions en APL.

Les aides au logement permettent de diviser par deux le coût du logement pour la moitié des allocataires. En comparant des taux d’effort avec ou sans les aides au logement, on mesure le soutien apporté par ces aides aux allocataires, pour leur permettre d’assumer cette charge. Ainsi, pour l’ensemble des bénéficiaires, le taux d’effort médian s’élève à 38 % des ressources sans les aides au logement. Avec la prise en compte des aides au logement, l’effort médian est réduit à 19 % des ressources. Pour les personnes isolées et les familles monoparentales, c'est encore plus spectaculaire : sans les aides le taux d'effort serait respectivement de 51 et 40%, et avec il tombe à 25 et 21% (ce sont les catégories les plus aidées)...

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