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Syndics de copropriété : le lynchage médiatique est-il mérité ? Le 28/7/2008
UI - Actus - 28/7/2008 - Syndics de copropriété : le lynchage médiatique est-il mérité ?
On leur reproche pêle-mêle de laisser se dégrader les immeubles, de se servir de la trésorerie des copropriétés à leur seul profit, de pratiquer à grande échelle des facturation abusives - voire illicites - de "prestations particulières", de ne pas suffisamment optimiser et négocier les prestations et travaux commandés pour le compte de leurs administrés, quand ce n'est pas de toucher des commissions occultes à leurs dépens ! Cible des associations de copropriétaires, dont la très redoutable ARC (Association des responsables de copropriété), ils le sont aussi des médias, qui multiplient sur leur dos les "marronniers" faciles et consensuels. Certes, il n'est pas de fumée sans feu : profession récente, formée pour l'essentiel "sur le tas" depuis les années 70 avec le grand développement de la copropriété, elle n'a pas évité dans ses pratiques professionnelles et commerciales les facilités et les à-peu-près ! De là à jeter le bébé avec l'eau du bain...

Dénonciation légitime ou acharnement ?

"Maronniers" récurrent des médias, les "dossiers" sur les syndics de copropriété se succèdent : 60 millions de consommateurs (magazine de l'INC) en octobre 2007, Le Particulier en mai 2008, dossiers bien entendu repris en écho par les médias généralistes, quotidiens et magazines...

Dernier en date : un long reportage de Canal+ le 16 juin 2008 : on y voit un grand groupe accusé de laisser "pourrir" une résidence marseillaise par manque d’entretien, autre groupe du Grand Ouest accusé de facturations illicites et de mélange des genres entre politique locale et gestion immobilière, des demandes de ristournes illégales par un syndic enregistrées en caméra cachée et leur acceptation par six entreprises de ravalement sur sept consultées, enfin une vidéo de la déclaration vibrante de "compréhension" des syndics malmenés par les médias par Christine Boutin au congrès de la CNAB en novembre 2007, alors que son collègue du gouvernement Luc Chatel menace de "légiférer" contre les abus de facturation dénoncés par ces mêmes médias...

Les grandes fédérations professionnelles de syndics crient au lynchage ; les associations de consommateurs, dont l'ARC (Association des responsables de copropriété), se gaussent et multiplient les témoignages d'abus ou se côtoient réelles infractions et péchés véniels...

Les dernières campagnes anti-syndics ont il est vrai un thème particulièrement porteur : la dénonciation des pratiques tarifaires ! Véritable guerre de tranchées engagée par l'ARC il y a plus de deux ans, elle avait conduit à un armistice lorsqu'un avis du 27 septembre 2007 du Conseil national de la consommation (CNC), entérinant un accord intervenu entre professionnels et associations de consommateurs dans le cadre d'un groupe de travail constitué sous la présidence de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), avait fixé un cadre aux contrats de prestations des syndics, fournissant un tableau des prestations qui doivent obligatoirement être incluses dans le forfait de gestion courante, et ne pas faire l'objet de facturations supplémentaires au titre des "prestations particulières". Cet avis faisait suite à une enquête de la DGCCRF confirmant les abus dénoncés par les associations...

N'ayant pas obtenu d'emblée un texte réglementaire mais seulement un avertissement aux syndics d'une telle éventualité si une nouvelle enquête de la DGCCRF concluait à une persistance des pratiques non conformes à l'avis, l'ARC a repris le combat et mène depuis une campagne acharnée pour démontrer que les nouveaux contrats proposés par les professionnels - en particulier les contrats-type mis au point par les grandes fédérations et imposés à leurs adhérents - ne respectent pas l'avis du CNC...


Une profession mal réglementée

Il est vrai que les syndics n'en sont pas à leur premier assaut, et que leurs démêlés avec leur clientèle ne datent pas d'hier !

Malgré une législation tatillonne, tant quant à la gestion des copropriétés que concernant la profession de syndic elle-même, les garanties assurées aux copropriétaires restent assez largement insuffisantes et n'ont pu permettre d'établir une relation de confiance au moins relative, à l'instar de ce qui est constaté par exemple pour les notaires :

- l'application des règles - particulièrement complexes - de gestion et de prise de décisions dans les assemblées générales dépend de la connaissance qu'en ont les copropriétaires et de la façon dont ils usent de leurs pouvoirs de contrôle ; le délai limité à deux mois pour contester une décision d'assemblée irrégulière et l'obligation de le faire par la voie coûteuse de la justice, la pénurie de compétences et de disponibilité chez les copropriétaires, et le "verrouillage" opéré par certains conseils syndicaux à l'égard des autres copropriétaires autorise de nombreuses dérives rarement sanctionnées à hauteur de leur gravité ;

- en l'absence de formations et de voies d'accès spécifiques, les garanties de compétence et de qualification apportées par les conditions de délivrance des cartes professionnelles aux syndics sont illusoires, car ne concernant que les dirigeants des sociétés - il y a belle lurette que les syndics n'exercent plus en leur nom personnel - et accessoirement des directeurs de succursales, en aucun cas des collaborateurs en charge de la gestion des immeubles qui ne sont soumis à aucun contrôle ;

- la garantie financière et l'assurance de responsabilité civile professionnelle, obligatoires et dont la souscription conditionne la délivrance ou le maintien de la carte professionnelle sont elles-mêmes illusoires car très difficiles à mettre en jeu : la première exige des copropriétaires victimes d'une défaillance financière qu'ils produisent, pour la récupération des fonds qui leur sont dus, des justifications dont ils ne disposent que rarement (les syndics malhonnêtes ou en déconfiture n'ont généralement pas l'obligeance de fournir des comptes à jour...), les obligeant à se lancer dans des procédures et expertises aussi longues et coûteuses qu'aléatoires ; la seconde ne peut quant à elle pratiquement jamais être mise en oeuvre sans changement de syndic, un syndic en place, seul représentant légal du syndicat des copropriétaires, étant en général réticent à s'attaquer lui-même en vue d'indemniser ses clients pour une faute qu'il a tendance à refuser de reconnaître...

- la profession, alors qu'elle intervient dans un domaine juridique au moins aussi complexe que celui des notaires, et assume une responsabilité au moins aussi importante quant à la sécurité juridique des actes accomplis, ne dispose d'aucun ordre professionnel ni d'aucune véritable normalisation de ses pratiques, les garanties apportées par les syndicats professionnels - FNAIM, CNAB, CSAB, SNPI, UNIT, aussi méritoires soient-ils, restant superficielles eu égard aux dérives possibles, d'autant que l'adhésion des syndics à ces organisations reste parfaitement facultative...


L'adoption récente d'une réglementation de la comptabilité des syndicats de copropriétaires, dont l'application sur le terrain reste encore à vérifier, comblera sans aucun doute une partie de ces lacunes, mais des décennies d'exercice sans normes ni véritable contrôle aura créé une suspicion tenace, pour une grande part responsable de l'opprobre médiatique dont pâtissent aujourd'hui des milliers de professionnels consciencieux !


Des facilités passées, payées aujourd'hui au prix fort

Il est vrai que les syndics eux-mêmes, ou plus exactement les prédécesseurs de ceux qui exercent aujourd'hui, se sont laissés aller à quelques facilités qui pèsent encore sur les pratiques professionnelles et le climat relationnel dans les copropriétés.

Profession récente issue du vieux métier d'administrateur de biens, s'adressant à des propriétaires à l'époque peu soucieux d'investir dans leurs immeubles de rapport, elle a longtemps négligé la maintenance et la valorisation à long terme au profit d'un entretien au jour le jour, dans le temps déléguée à "l'architecte de l'immeuble" et à des entreprises "amies", se privant ainsi de véritables compétences en gestion technique du bâtiment et en achat de prestations et travaux.

Sans réglementation contraignante ni contrôle effectif, elle s'est longtemps contenté pour les syndicats de copropriétaires dont elle avait la charge de comptes à la rigueur approximative, ne montrant aux copropriétaires qu'une partie de ce qui les concerne.

Se voyant plus mandataire que gestionnaire, elle a longtemps profité, et profite toujours, de la trésorerie de ses mandants, résistant toujours vaillamment à l'ouverture de comptes bancaires au nom des syndicats, pourtant de droit depuis près d'une décennie, sauf dérogation ; il est vrai que les syndics continuent à l'obtenir assez facilement des assemblées de copropriétaires en concédant - concurrence aidant - un sacrifice sur les honoraires...

Enfin, pour avoir longtemps facturé leurs prestations sous l'empire de barèmes préfectoraux, les syndics, la liberté des prix venue, n'ont jamais su établir un dispositif tarifaire leur permettant de proportionner correctement leur facturation à la réalité du service rendu, essayant maladroitement de compenser par des facturations supplémentaires la modicité d'honoraires de base mis à mal par une concurrence quasi-suicidaire sur les prix ! D'où la multiplication des fameux postes de facturation hors forfait pour des prestations pourtant récurrentes (carnet d'entretien, frais administratifs, frais de logiciel, plus récemment honoraires de nouveau plan comptable...), et maintenu des honoraires sur travaux en pourcentage qui passent de plus en plus mal, la suspicion étant que rémunérés ainsi, ils ne sont pas incités à négocier les devis des entreprises...

Le résultat en est aujourd'hui un manque de confiance des copropriétaires dans le bien-fondé des préconisations de travaux et la façon dont ils sont étudiés et négociés, une focalisation excessive de chacun sur sa quote-part de charges, une réticence foncière à constituer des réserves financières pour faire face aux aléas et aux gros travaux prévisibles, et une focalisation excessive sur les facturations de prestations particulières des syndics, alors que le niveau général de leur rémunération ne leur permet de toute évidence pas de mettre en oeuvre des moyens en personnel à la hauteur, quantitativement et qualitativement, des attentes de la clientèle et des enjeux de maîtrise des charges ou d'entretien et de valorisation des patrimoines gérés...


Les professionnels seuls responsables ?

La question est évidemment de savoir s'ils le veulent vraiment ! De moins en moins homogène, la profession se divise en réalité en trois populations très différentes :

- les "amateurs", quelques milliers, en général agents immobiliers ni franchisés ni syndiqués, dont l'activité de syndic apporte un complément de revenu d'autant plus appréciable que la prestation est minimale...

- les grands groupes, au nombre d'une quinzaine aujourd'hui presque tous aux mains de banques ou d'actionnaires financiers, dont la part de marché atteint un bon tiers du parc de logements en copropriété, et dont la rentabilité appréciable résulte de la dynamique de croissance externe, des économies d'échelle (et de personnel), des synergies avec les métiers de la transaction et de la gestion locative ou des liens avec la promotion immobilière, mais aussi des activités induites rémunératrices, telles que le courtage d'assurances et de financements, les diagnostics, la maintenance technique...

- entre les deux les petits et moyens professionnels, de l'ordre de 2 à 3.000 entreprises indépendantes, en général syndics de proximité, aimant leur métier et souhaitant l'exercer dans de bonnes conditions, mais qui ne se battent pas à armes égales : ce corps central de la profession est aujourd'hui le plus menacé, à la fois par la concurrence - pas toujours loyale - des deux autres, et par les coups de butoir des campagnes médiatiques qui les démoralisent, et leur rognent leurs moyens de gérer correctement à la fois les immeubles et leurs entreprises...


Contrepoids nécessaire aux grands groupes, offrant une alternative à une gestion "industrialisée", c'est pourtant cette partie de la profession que les copropriétaires et leurs associations auraient le plus intérêt de préserver. Or force est de constater que ses efforts ne sont pas suffisamment relayés pour une saine "gouvernance" des copropriétés : leur lot quotidien est plutôt fait de copropriétaires peu responsabilisés, impécunieux ou chicaneurs, de conseils syndicaux aux abonnés absents ou trop impliqués, laissant le syndic à lui-même ou au contraire l'empêchant d'agir par excès d'autoritarisme, d'attitudes ambigües sur la question des travaux et du choix des entreprises, et surtout de réticence généralisée à raisonner en termes d'investissement patrimonial, si tant est que les copropriétaires des vagues récentes d'accession aidée à la propriété en aient véritablement l'intérêt et les moyens...


Des enjeux économiques majeurs !

Poids des charges dans le budget des ménages, enjeux de sécurité (ascenseurs, prévention des incendies) et de santé publique (plomb, air intérieur) , enjeux économiques (économies d'énergie) : les syndics de copropriété, qui ont avec les copropriétaires en charge un quart du parc immobilier national, sont aux avant-postes pour la mise en oeuvre des politiques pour la préservation du pouvoir d'achat et le développement durable.

Lutter contre les abus et les dérives facturières de certains est nécessaire et légitime ; poursuivre dans la "normalisation" et la sécurisation des pratiques professionnelles l'est encore plus, et aucune amélioration n'est à attendre sur le plan de la confiance sans renforcement de l'encadrement des compétences et des qualifications. Mais une autre priorité se dessine : celle de donner aux syndics l'obligation et les moyens de programmer et financer à long terme les travaux d'entretien lourd et l'amélioration du parc immobilier, en raison de son vieillissement et des contraintes énergétiques qui s'annoncent.

Pour une fois qu'un consensus se dégage entre les associations de consommateurs et les organisations professionnelles de syndics, en faveur d'une obligation d'établir des plans pluriannuels de travaux et de constituer des provisions à long terme destinés à les financer, faisant l’objet de placements bénéficiant aux copropriétaires, assortis d’une fiscalité adaptée et encadrés quant à leur utilisation par les syndics, on comprendrait mal que les pouvoirs publics passent à côté de l'occasion en n'adoptant pas les dispositions nécessaires !


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