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Loi de 1948 : la fin pour bientôt ? Le 27/4/2005
UI - Actus - 27/4/2005 - Loi de 1948 : la fin pour bientôt ?
On en sait un peu plus sur la méthode envisagée par le gouvernement pour accélérer le retour au droit commun des logements encore régis par cette loi d'un autre âge, dont un des effets pervers, alors qu'elle est censée protéger des locataires économiquement défavorisés, est de bloquer la rénovation d'immeubles vétustes et de pérenniser de l'habitat "indigne" que tout le monde s'accorde à vouloir éradiquer ! Coïncidence, ces annonces interviennent alors que la Cour européenne des droits de l'homme vient de déclarer contraire à la Convention du même nom la législation de blocage des loyers en... Pologne, et qu'a été publiée par ailleurs une étude particulièrement intéressante sur le "vécu de la loi de 1948", réalisée par l'IAURIF (Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région d’Ile-de-France)...

Une mesure nécessaire

Même s'il n'est pas possible de la supprimer d'un trait de plume, la loi de 1948 (1), qui impose pour encore de larges catégories de logements des loyers quasi symboliques et le maintien dans les lieux de locataires qui n'auraient pas tous les moyens de se loger dans des conditions "normales", a été et reste le pire des moyens de traiter la pénurie de logements sociaux ! Pour une raison principale : en interdisant l'augmentation du loyer et la reprise pour vendre ou pour habiter, elle ôte au propriétaire tout intérêt de faire des travaux de réhabilitation et contribue au maintien d'un noyau dur d'habitat insalubre !

La grande opération de "libération" organisée par la loi "Méhaignerie" (2) a certes contribué à ramener dans le droit commun des centaines de milliers de logements (voir notre article sur le rappel des épisodes précédents), dont les locataires sont aujourd'hui en droit d'exiger, si cela n'a pas été fait, une mise à niveau des parties privatives, mais aussi des parties communes quand ils sont dans des immeubles collectifs.

Reste néanmoins près de 250.000 logements encore soumis au blocage (ils étaient plus d'un million en 1973), soit parce qu'ils appartiennent à des catégories "non libérables" (les catégories III et IV), soit parce que, bien que "libérables" par des baux de 8 ans (catégories IIB et IIC), il n'ont pas pu l'être en raison des ressources des locataires, dont le plancher a été fixé de façon plutôt généreuse, et du mode d'appréciation de ces ressources, prises en compte en cas de couple marié pour chacun des membres du couple : résultat, quand l'épouse n'a pas de ressources propres, la sortie est bloquée...


Une sortie en douceur ?

Le projet de loi "habitat pour tous", prévu depuis plus de deux ans et qui doit être présenté prochainement au conseil des ministres, comportera comme cela a été annoncé des dispositions facilitant le retour au droit commun des logements soumis à la loi de 1948 ainsi que leur amélioration. Il permettrait notamment de proposer, comme cela a été fait en 1986 pour les catégories IIB et IIC, des "baux de sortie" de 8 ans, avec échelonnement sur toute la durée de la hausse de loyers destinée à rattraper les loyers du voisinage, cette fois pour tous les logements respectant des caractéristiques de la décence (3), ou qui pourraient les respecter par la réalisation de travaux dans l’année de la proposition.

Lorsque les ressources du locataire ou de l’occupant de bonne foi seront inférieures à des seuils définis par décret, cela ne bloquera plus toute possibilité de retour au droit commun, mais la conclusion du bail de 8 ans serait conditionnée au conventionnement du logement et donc à l’encadrement des loyers. A l’issue du contrat conventionné, les locataires handicapés ou âgés de plus de 65 ans bénéficieraient comme dans les actuels baux de 8 ans d’un droit au maintien dans les lieux, droit dé transmissible comme aujourd’hui...


Le coup de semonce polonais...

Cette réforme est d'autant plus nécessaire que ce pan de la législation française, qui interdit encore à un grand nombre de propriétaires de disposer de revenus suffisants pour couvrir leurs les frais d'entretien normaux de leur patrimoine, risque d'être déclaré contraire à la Convention européenne des droits de l'Homme, comme la Cour européenne des droits de l'Homme vient de le faire vis à vis de la Pologne, lui enjoignant "par des mesures appropriées" de garantir aux propriétaires un niveau de loyer raisonnable ou leur offrir un mécanisme atténuant l'impact sur leur droit de propriété du contrôle exercé par l'Etat sur les augmentations de loyer...

Inutile de préciser que cette décision a comblé d'aise les organisations de propriétaires en France qui militent depuis des décennies pour l'abrogation de cette loi qu'ils jugent inique !


Les profiteurs et les filières

Il est vrai qu'à côté de la protection de populations qui en ont besoin - encore qu'il y ait un certain cynisme à laisser la charge de cette protection aux seuls propriétaires alors que le financement du logement social relève de la collectivité - la loi de 1948 permet encore à de nombreux locataires de se loger à bon compte alors qu'ils auraient les moyens de le faire au prix du marché !

Une enquête "Biographies et Entourage" (4) réalisée par l'INED (Institut national d'études démographiques) pour l’IAURIF (Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région d’Ile-de-France) a permis d'analyser les parcours résidentiels de 2.830 franciliens de 50 à 70 ans, dont 5% ont réalisé au cours de leur parcours résidentiel au moins une étape significative dans un logement réglementé par la loi de 1948 (mais 12% de ceux nés Paris...). Elle met en évidence l'existence de filières pour "reprendre" - contre rétribution illicite - des logements à des locataires désirant les quitter, et constate de nombreux cas où les locataires ont pris de tels logements, quitte à effectuer eux-mêmes quelques travaux de confort, simplement pour ne pas s'éloigner de leur lieu d'activité ou ne pas aller en banlieue. Elle montre aussi que de nombreux locataires sont des "spécialistes" : 23% des enquêtés passés par de tels logements ont réalisé deux étapes en loi 1948, 10% en ont effectué trois et 5,5% plus de quatre...

L'enquête note aussi que le statut d’occupation le plus fréquent après la dernière étape résidentielle en logement loi de 1948 est celui de propriétaire dans 32% des cas, expliquant cette forte proportion par la fréquence des mises en vente des logements loi 1948, les locataires, ayant la primeur de la vente. En outre, les faibles loyers pratiqués dans le parc de la loi de 1948 ont permis à certains de pouvoir épargner afin d’acquérir un logement à plus ou moins long terme...


Des plus-values intéressantes en perspective...

Ceci étant, les mesures annoncées ne feront pas que des malheureux : les nouvelles possibilités de retour au droit commun vont valoriser de nombreux immeubles ou logements de centres-villes, aujourd'hui fortement sous cotés du fait de la présence de locataires bénéficiant de loyers dérisoires à côté de ceux pratiques dans le secteur "libre", et qui verront cette décote disparaître progressivement au fur et à mesure que se rapprochera l'échéance de leur "libération". Depuis quelque temps déjà, et notamment depuis la suppression en 1986 des possibilités de retour à la loi de 1948 de logements loués "libres" à de nouveaux locataires, des investisseurs s'intéressent à ce type de produits, tablant sur leur libération par le simple effet du décès des locataires âgés... Des SCPI (Sociétés civiles de placement immobilier) spécialisées ont même vu le jour, au rendement évidemment très faible, mais commercialisées pour les perspectives de plus-value à long terme...

Nul doute qu'un assouplissement effectif des possibilités de "sortie" du carcan de cette loi va stimuler ce type d'investissements, et alimenter le phénomène des "ventes à la découpe" ! Les politiques auront ainsi une nouvelle occasion de méditer sur les lois perverses, qu'il y a autant d'inconvénients à garder qu'à abroger...



(1) loi du 1er septembre 1948

(2) loi du 23 décembre 1986

(3) au sens du décret du 30 janvier 2002 Notons que ces caractéristiques sont globalement moins sévères que les "conditions minimales de confort et d'habitabilité" du décret du 6 mars 1987 qui servait de référence jusque là...

(4) Le vécu de la loi de 1948 – Note rapide Population - mode de vie n°376/E

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