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Quand le propriétaire vend le logement loué... Le 27/9/2004
UI - Actus - 27/9/2004 - Quand le propriétaire vend le logement loué...
De nombreux locataires se retrouvent chaque année dans la situation de voir leur logement vendu par leur propriétaire, pour des raisons aussi variées que les situations personnelles, familiales ou professionnelles. On estime ainsi à près de 150.000 le nombre de logements qui quittent ainsi le parc locatif (ils sont en effet en général achetés pour être habités), compensés heureusement par un nombre légèrement supérieur de logements acquis en vue d'être loués. Le phénomène risque cependant de s'amplifier du fait de l'arrivée prochaine de la fin de la période d'engagement de location de 9 ans auquel avaient souscrit les investisseurs sous le régime "Périssol", et en raison de la hausse des prix qu'a connu l'immobilier résidentiel, créant une tentation forte chez de nombreux propriétaires - particuliers comme institutionnels - de prendre leur bénéfice, quitte à réinvestir dans ce secteur après la pause ou la baisse qui s'annoncent...

Pour les locataires de ces logements, sauf à pouvoir se porter acquéreur, notamment dans les cas où ils y sont invités, la mise en vente se traduit par la nécessité de partir, souvent après de nombreuses années d'occupation.

La situation diffère en réalité suivant qu'il s'agit d'un appartement ou d'une maison que le propriétaire, en général un particulier, détient isolément et veut vendre libre, ou qu'il s'agit d'un logement dépendant d'un immeuble locatif entier, en mono-propriété, vendu "en bloc" ou "à la découpe", c'est à dire logement par logement après avoir été mis en copropriété.

Appartement ou maisons vendus isolément

Sauf à y être forcés par une urgence imprévue, les propriétaires souhaitant vendre ainsi attendent la fin du bail pour donner congé aux locataires et éviter de subir la décote que subissent les logements mis en vente occupés : de 10 à 30% suivant la durée restant à courir...

Le congé pour vente doit intervenir au moins six mois avant la fin du bail et doit comporter une offre de vente, le locataire bénéficiant dans ce cas d'un "droit de préemption" à la mécanique complexe, codifiée par le menu par l'article 15 II de la loi du 6 juillet 1989 :

- l'offre (au "prix et conditions de la vente projetée") est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis ; le locataire qui accepte l'offre dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, d'un délai de deux mois pour la réalisation de l'acte de vente, ou de quatre mois s'il souhaite recourir à un prêt ;

- si le locataire n'accepte pas l'offre ou si la vente ne se réalise pas dans les délais mentionnés, le locataire est déchu "de plein droit" de tout titre d'occupation à l'expiration du préavis ; il doit donc quitter les lieux ;

- dans ce cas, si le propriétaire, avant ou après le départ du locataire, revoit ses conditions et trouve acquéreur à des conditions ou à un prix plus avantageux que l'offre initiale, il doit (ou son notaire chargé de l'acte) "notifier au locataire ces conditions et prix à peine de nullité de la vente" ; elle vaut nouvelle offre de vente au profit du locataire valable pendant une durée d'un mois "à compter de sa réception" ;

- le locataire qui accepte l'offre ainsi notifiée dispose à nouveau, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur ou au notaire, d'un délai de deux mois pour la réalisation de l'acte de vente, ou de quatre mois s'il souhaite recourir à un prêt ; si le locataire n'accepte pas l'offre ou si la vente ne se réalise pas dans les délais mentionnés, l'offre même acceptée devient caduque et le propriétaire peut poursuivre sa vente...


Le congé pour vente est soumis à de nombreuses conditions de forme qui, si elles ne sont pas respectées, peuvent entraîner sa nullité, la sanction étant alors la reconduction du bail pour une nouvelle période de trois ou six ans (trois si le bailleur est une personne physique ou une SCI "familiale", six s'il est un autre type de personne morale), entraînant la plupart du temps le report du projet de vente !


Immeuble vendu "en bloc"

Dans ce cas, les locataires ne disposent d'aucun droit de préemption, et le propriétaire n'est pas tenu de leur proposer la vente, puisqu'il le vend entier, sans le diviser et le mettre en copropriété...

Les ventes de ce type sont le fait de particuliers dans la nécessité de se défaire d'un immeuble sans en passer par la mécanique elle aussi compliquée et longue à mettre en oeuvre de la vente "à la découpe" (voir ci-après), ou de sociétés immobilières ou de propriétaires "institutionnels" qui souhaitent redéployer leur patrimoine ou carrément désinvestir de ce type d'immobilier. Les acquéreurs sont en général d'autres sociétés ou investisseurs, tentés par la décote de l'immeuble occupé, souvent avec l'intention de le vendre eux-mêmes "à la découpe" !

Les locataires qui assistent à une telle vente n'ont pas leur mot à dire, et ne sont en général prévenus qu'après la vente ; celle-ci ne change au demeurant pas grand chose, leurs droits et obligations s'exerçant à compter de la date de la vente vis à vis de l'acquéreur comme ils s'exerçaient avant vis à vis de leur ancien propriétaire, à deux détails près cependant :

- si l'acquéreur se fait en général remettre les dépôts de garantie versés par les locataires, ce n'est pas automatique, et les locataires ont intérêt, dès que le changement de propriétaire leur est notifié, de s'assurer que cette transmission a eu lieu et que leur nouveau propriétaire prend en charge la dette de son prédécesseur : l'acquéreur est considéré en droit comme un "ayant cause à titre particulier" au contraire de l'héritier considéré comme un "ayant cause à titre universel", et les créances nées à l'occasion des baux antérieurement au transfert de propriété ne passent pas (sauf cas particulier de cession de créance ou de subrogation) dans son patrimoine (1)...

- les engagements de caution fournis par les locataires à leur ancien propriétaire, considérés comme des engagements personnels, ne sont pas reportés à l'acquéreur de l'immeuble, et doivent pour rester valables être renouvelés au profit du nouveau propriétaire (2) ; comme rien n'oblige les locataires à obtenir cette réitération de la part de leurs cautions (le propriétaire ne peut rien contre un locataire en place dès lors qu'il règle son loyer et ses charges, et ne peut à l'échéance du bail lui refuser en la reconduction pour ce motif), les engagements non sollicités à la date de la vente tombent ipso facto !


Immeuble vendu "à la découpe"

Cette pratique consiste pour le propriétaire d'un immeuble locatif détenu en mono-propriété à le mettre en copropriété et le vendre par appartements. Il doit faire établir un état descriptif de division et un règlement de copropriété, et si l'immeuble a plus de quinze ans, faire réaliser un diagnostic technique (3) qui devra être remis aux candidats acquéreurs lors de la première vente des lots issus de la division et lors de toute nouvelle mutation réalisée dans un délai de 3 ans à compter de la date du diagnostic (4).

Le propriétaire a dans ce cas la possibilité d'attendre pour chaque logement la fin du bail en cours pour donner congé et les vendre "libres" ou de vendre les logements "occupés" ; il peut aussi panacher les deux approches.

Dans le premier cas, il est tenu au formalisme de l'article 15 II de la loi du 6 juillet 1989 exposé précédemment.

Dans le second cas, les locataires disposent également d'un "droit de préemption" organisé par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975, s'appliquant à "toute vente d'un ou plusieurs locaux à usage d'habitation ou à usage mixte d'habitation et professionnel, consécutive à la division initiale ou à la subdivision de tout ou partie d'un immeuble par lots" ; ce droit s'exerce également dans un cadre très contraignant pour le propriétaire, la sanction du non respect du droit du locataire étant la nullité de la vente qu'il conclurait avec un tiers ! La mécanique est très proche de celle décrite pour le congé :

- le bailleur doit dans un premier temps faire connaître par lettre recommandée à chacun des locataires ou occupants de bonne foi "l'indication du prix et des conditions de la vente projetée pour le local qu'il occupe" ; cette notification "vaut offre de vente au profit de son destinataire" ; l'offre est valable pendant une durée de deux mois "à compter de sa réception" ;

- le locataire qui accepte l'offre ainsi notifiée dispose, comme avec le congé pour vente, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, d'un délai de deux mois pour la réalisation de l'acte de vente, ou de quatre mois s'il souhaite recourir à un prêt, etc.

Le reste de la procédure est identique, y compris le devoir pour le propriétaire de soumettre une nouvelle offre s'il est amené à revoir ses conditions, à une différence de taille près : si le locataire n'accepte pas l'offre ou si la vente ne se réalise pas dans les délais mentionnés, le locataire reste néanmoins titulaire de son bail dans des conditions inchangées. Simplement, le propriétaire est libre de vendre l'appartement "occupé" à un tiers ; mais il peut aussi attendre la fin du bail pour donner congé pour vente...

Bien entendu, contrairement à ce qui se passe avec le congé pour vente, dont l'offre de vente peut être formulée au prix du marché, l'offre de vente d'un logement occupé à son locataire subit nécessairement la décote des biens occupés, d'autant plus forte que l'échéance de bail est lointaine ; ce peut donc être pour les locataires l'occasion de faire une bonne affaire...

A condition toutefois d'en avoir les moyens ! Or le mouvement actuel vise surtout les immeubles de grande valeur dans les villes et quartiers où la hausse a été la plus forte, et les locataires, même aisés ne peuvent souvent pas saisir l'opportunité, soit d'acheter à bon compte, soit même de faire une plus-value en revendant quelque temps après "libre" ! A fortiori, ces mises en vente qui prennent les locataires par surprise peuvent mettre dans la difficulté des personnes âgées ou souffrant de handicaps physiques ou sociaux, bénéficiant de loyers devenus très modérés en raison de la durée d'occupation et qui peuvent se voir mises à la rue en quelques mois...

Du coup, les propriétaires sociétés immobilières ou "institutionnels", et a fortiori les sociétés d'HLM qui procèdent le plus fréquemment à ces ventes "à la découpe" se sont engagées à un formalisme supplémentaire fixé par l'accord collectif du 9 juin 1998 (5) :

- le bailleur qui décide de mettre en vente par lots plus de dix logements dans un même immeuble informe de son intention les associations de locataires représentatives (6) et examine avec elles notamment les modalités de l'information future des locataires ; "à défaut d'association de locataires représentative, le bailleur apprécie l'intérêt d'informer les locataires le plus tôt possible en fonction des données qu'il peut alors fournir pour répondre aux interrogations suscitées" ;

- une fois que le bailleur est prêt à rendre publique l'intention de vendre, une information est donnée à tous les locataires concernés, quelle que soit la date d'expiration de leur bail respectif : elle consiste au moins en une réunion à laquelle sont invités les locataires et leurs associations ; "une documentation dans une forme accessible est utile à ce stade" ;

- le bailleur confirme par écrit à chaque locataire les modalités envisagées pour la vente ; "il complète l'information générale par une information particulière destinée aux locataires, susceptibles de se porter acquéreurs, en soulignant que cette information est donnée par le bailleur à titre indicatif et ne constitue pas une offre de vente" ;

- à compter de cette confirmation, le bailleur doit respecter un délai de 3 mois avant d'envoyer aux locataires l'offre de vente proprement dite prévue à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 mentionnée plus haut ;

- une fois notifiée l'offre de vente, le congé pour vente peut être envoyé conformément aux dispositions de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 ; cette dernière disposition implique que le bailleur qui préfère attendre la fin des baux pour vendre les appartements libres doit néanmoins faire des offres de vente pour ces mêmes logements "occupés"...


L'accord collectif comporte également plusieurs dispositions destinées à faciliter les choses pour ceux que la mise en vente et la perspective, quand ils n'ont pas les moyens d'acquérir le logement risque de mettre en particulière difficulté :

- les locataires dont la durée du bail restant à courir est inférieure à 30 mois à compter de la date de l'offre de vente proprement dite, peuvent demander au bailleur une prorogation du droit d'occupation de son logement : "cette demande peut être présentée lorsque l'obtention d'un prêt, la vente d'un bien immobilier, le départ à la retraite, une mutation professionnelle ou toute autre circonstance dûment justifiée nécessite un délai supplémentaire" ; ce délai supplémentaire, accordé sur justification mais pas obligatoire, peut permettre de porter à 30 mois la durée d'occupation du logement...

- les locataires ne pouvant acquérir eux-mêmes leur logement peuvent proposer au bailleur, comme acquéreur, leur conjoint ou concubin notoire vivant avec elles depuis au moins un an à la date de l'offre de vente, un ascendant ou un descendant ; cet acquéreur bénéficie des mêmes conditions de vente et de délai que celles proposées au locataire.

- lorsque le locataire ne se porte pas acquéreur de son logement et qu'il justifie d'un revenu inférieur à 80 % du plafond de ressources PLI en vigueur, le congé ne peut lui être délivré sans une proposition de relogement "compatible avec ses besoins et situé, si cela est souhaité par le locataire et dans la mesure du possible pour le bailleur, dans une commune ou un quartier voisin du lieu de résidence du locataire" et ce avec une remise de loyer par rapport aux loyers de relocation "égale en pourcentage à celle dont bénéficie le locataire dans son logement actuel", le loyer résultant ne pouvant cependant être supérieur "au loyer moyen pratiqué pour un logement comparable dans la même zone géographique"...

- lorsqu'un locataire ne peut se porter acquéreur de son logement et qu'il ne peut déménager "en raison de son âge supérieur à 70 ans, de son état de santé présentant un caractère de gravité reconnue, d'un handicap physique ou d'une dépendance psychologique établie, ou de sa situation dûment justifiée", son bail est renouvelé et il ne peut lui être donné congé pour vente.


Par contre, aucun filet ne protège les locataires des immeubles mis en vente avec moins de 10 logements, ou ceux vendus par appartements par des particuliers, souvent après un héritage ou, profitant de la hausse de ces dernières années, pour recomposer un patrimoine trop axé sur l'immobilier...



(1) Cass., 3ème Ch. civ., 25 février 2004 n° 02-16589

(2) Cass., 3ème Ch. civ., 3 décembre 2003 n° 01-10755

(3) Article L 111-6-2 du Code de la construction et de l’habitation : "Toute mise en copropriété d'un immeuble construit depuis plus de quinze ans est précédée d'un diagnostic technique portant constat de l'état apparent de la solidité du clos et du couvert et de celui de l'état des conduites et canalisations collectives ainsi que des équipements communs et de sécurité"

(4) article 46-1 de la loi du 10 juillet 1965 (dispositions créées par la loi "SRU" (loi du 13 décembre 2000 relative à la Solidarité et au renouvellement urbains)

(5) rendu obligatoire par le décret no° 99-628 du 22 juillet 1999

(6) au sens de l'article 44 de la loi du 23 décembre 1986

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