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Le marché locatif privé au scanner Le 29/10/2003
UI - Actus - 29/10/2003 - Le marché locatif privé au scanner
L'OLAP (Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne) et le ministère du logement ont publié coup sur coup deux rapports très précis, l'un sur l'évolution des loyers du secteur locatif privé en 2002 et la situation début 2003, y compris en province, et le second sur le bilan de fonctionnement des commissions départementales de conciliation, qui traitent très majoritairement des litiges concernant la fixation des loyers. De quoi mesurer à leur juste valeur les tensions qui s'exercent sur ce marché en situation de pénurie chronique depuis des lustres...

Issu de la "Loi Méhaignerie" de 1986 qui imposait aux bailleurs de justifier leurs demandes de réajustement de loyers, lors des renouvellements des baux d'habitation avec les locataires en place, par la fourniture de références précises de loyers de logements comparables, l'OLAP gère et met à disposition des propriétaires et des locataires depuis 1987 une base de donnés incomparable : 40.000 références sur Paris et 114 communes de proche banlieue réactualisées au moyen de 25.000 enquêtes par an !

Mais ce n'est pas sa seule fonction : véritable "observatoire" des loyers, il produit des études sur l'évolution et le niveau des loyers sur son territoire mais aussi pour les 11 agglomérations de province de plus de 100.000 habitants, études qui alimentent le rapport sur les loyers que le gouvernement doit faire annuellement au parlement, et sur lesquelles il se fonde depuis plus d'une décennie pour reconduire le décret de "modération" des loyers sur l'agglomération parisienne (voir notre brève)...

D'où l'intérêt chaque année de son rapport sur l'année écoulée, qui complète et corrige utilement les données disponibles en provenance de deux seules autres sources : celle des réseaux de professionnels (FNAIM, Century 21, etc.), qui concerne le seul parc qu'ils ont à connaître, à savoir celui, plus parisien que provincial - qui leur est confié par les propriétaires qui ne gèrent pas eux-mêmes leur patrimoine, et celle de l'UNPI (Union nationale de la propriété immobilière) et son observatoire "SNOUPI", qui porte sur l'autre moitié du marché, aux mains des seuls propriétaires (1)...


En 2002 : des hausses record !

Dans un contexte de ralentissement de l'activité économique par ailleurs, les loyers ont connu en 2002 une accélération et un taux de hausse inégalé depuis une décennie : +4,9% en moyenne dans l'agglomération parisienne et +3,6% dans les 11 grandes agglomérations de province, contre respectivement +4 et +2,7 en 2001, et le reste de la décennie où la hausse est restée inférieure à 2,5%, toutes anciennetés d'occupation confondues ! Cette hausse semble se poursuivre en 2003, ce qui est corroboré par les autres sources (FNAIM notamment - voir notre brève), et elle touche l'ensemble du parc même si la province a suivi l'Ile de France avec un léger retard et de façon un peu atténuée...


Paris n'est pas la France...

Sans surprise, Paris et la petite couronne se détachent nettement des autres agglomérations dans le niveau des loyers atteints : 15 euros le m2 de surface habitable contre 11,7 en petite couronne et 6,7 en province, soit moitié moins qu'à Paris !

Ces moyennes cachent bien entendu des disparités importantes :

- suivant le lieu : les moyennes vont de 12,8 (19ème arr.) à 19,1 euros (7ème arr.) à Paris, de 10,5 (nord-est) à 16,5 euros (Neuilly) en petite couronne parisienne, de 9,5 (Seine-Saint Denis) à 13 (Chatou-Saint Germain) en grande couronne, et enfin de 5,7 (Brest) à 8,6 euros (Aix-en-Provence) dans les 11 grandes agglomérations de province...

- suivant la taille du logement : au m2, la moyenne des studios s'écarte d'autant plus par rapport aux 5 pièces et plus que les loyers sont moins chers : + 64% à Brest, +47% en grande couronne parisienne, +21% en petite couronne et seulement +12% à Paris...

- suivant la qualité du logement : si l'on écarte les 10% de loyers les moins chers et les 10% les plus chers, les loyers au m2 s'étagent en moyenne du simple au double : de 10,7 à 20,7 euros à Paris, 8,1 à 16,2 en petite couronne, 6,6 à 14,7 en grande couronne... Par contre, l'âge de l'immeuble joue assez peu, et les immeubles qui en pâtissent le plus sont ceux construits entre 1949 et 1974 !

- suivant qu'il s'agit de locataires en place ou de nouveaux emménagés : l'écart entre le loyer des premiers et des seconds est de 12 à 13% à Paris comme en province ; il était longtemps plus fort en province et a rejoint les niveaux de Paris et de la petite couronne... Cet écart est curieusement le même entre les nouveaux emménagés et les locataires précédents à Paris et petite couronne, alors qu'il est moitié moindre en province, ce qui révèle un "saut" des loyers plus important à Paris qu'en province ! L'écart entre les nouveaux emménagés et les locataires en place depuis plus de 10 ans se creuse par contre à 34% à Paris et jusqu'à 42% en petite couronne...


Une hausse à trois moteurs

Une hausse aussi vigoureuse s'explique nécessairement par la conjonction de plusieurs facteurs ! Le rapport de l'OLAP permet d'en identifier au moins trois :

- la pénurie qui tire le loyer des nouveaux emménagés ver le haut et creuse l'écart entre leur loyer et celui des locataires en place depuis quelques années : en agglomération parisienne, une relocation sur deux s'effectue à un loyer supérieur à ce qu'il aurait été en appliquant simplement l'indice !

- l'emballement de la variation de l'indice Insee depuis 2001 (voir nos brèves : il a fait monter le loyer des locataires en place et encouragé les réajustements en fin de bail ;

- la reprise des demandes d'augmentation lors des renouvellements de baux : raréfiées dans le milieu des années 1990 où on a même pu constater ce qu'on croyait impensable, à savoir des baisses de loyer lors des relocations, elles ont connu un regain d'intérêt en 2002 comme le traduit le bilan d'activité des commissions de conciliation !


Le retour du "17c" : des commissions de conciliation sous haute tension...

Point de passage obligé des différends concernant la fixation des loyers, les commissions départementales de conciliation ont vu leur activité presque doubler en 2002, et pas seulement à cause de l'élargissement de leur compétence (voir notre article) suite à la loi "SRU" : les nouveaux litiges (relatifs aux états des lieux, au dépôt de garantie, aux charges locatives et aux réparations) n'ont représenté que 37% du total des litiges traités, mais 80% de ces dossiers ont été traités en province ; en revanche, 75% des dossiers de réajustement de loyer manifestement sous-évalué (application de l'article 17c de la loi du 6 juillet 1989) ont été traités à Paris et Ile de France !

Rappelons qu'en application de cet article, un propriétaire peut, à l'échéance du bail de son locataire ou d'une des périodes de reconduction, proposer un renouvellement avec un loyer augmenté si le loyer courant est "manifestement sous-évalué" par rapport "aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables" : si le locataire refuse ou ne donne pas suite, le propriétaire doit solliciter l'avis de la commission départementale de conciliation avant de saisir le tribunal pour faire fixer le nouveau loyer judiciairement (l'augmentation obtenue au delà de l'indice est échelonnée sur 3 ou 6 ans suivant qu'elle dépasse ou non 10% - l'augmentation à Paris et région parisienne est plafonnée à la moitié de l'écart entre le loyer déterminé par référence au voisinage et celui du logement à la date du renouvellement - notre brève).

L'écart entre l'utilisation du "17c" en région parisienne et en province est interprété comme lié au fait que le parc locatif dans le premier cas est davantage géré ou détenu par des professionnels de l'immobilier ou des bailleurs institutionnels qui n'hésitent pas à appliquer toutes les ressources de la législation alors que dans le second cas les propriétaires plus majoritairement personnes physiques et gérant eux-mêmes leurs biens ignorent les textes ou hésitent à s'en servir...



(1) Les valeurs détaillées en provenance de toutes les sources citées sont reprises dans le modèle d'estimation des biens immobiliers l'Argus du logement.

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