Pas
de semaine, pas de jour presque sans une saillie sur
le sujet, avec des propositions lancées devant
telle assemblée, dans la presse, à la
faveur de quelque interview. C'est le ministre des comptes
publics par exemple qui tance les niches fiscales, dont
on sait que profite l'immobilier, avec en particulier
le dispositif Pinel. Avant que le Chef de l'État
ne rassure l'opinion: on ne va pas se fâcher et
l'on ne va pas remettre en question les régimes
d'exception, derrière lesquels se cachent des
emplois.
Ce
sont ensuite les droits de succession que le même
ministre en charge du budget désigne du doigt,
à la suite d'une étude de France Stratégie:
ils nuiraient à la redistribution de la richesse,
en n'étant pas assez lourds pour les gros patrimoines,
favorisant la reproduction des schémas sociaux.
Et puis finalement, le ministre se reprend pour préférer
alléger les droits de donation: enrichir plus
précocement les ménages permet de soutenir
la consommation et l'investissement, alors que les héritages
tardifs, au profit de soixantenaires, sont au bout du
compte stériles.
On
a aussi eu droit à une autre palinodie au sommet
de l'État. Au cours d'une séance du Grand
débat, Emmanuel Macron a attaqué les plus-values
de cession des résidences principales, en considérant
que leurs bénéficiaires n'y avaient aucun
mérite et qu'il fallait les taxer, au même
titre que les plus-values des biens locatifs et des
résidences secondaires. Le gouvernement a quelques
heures plus tard fermé le ban, après avoir
constaté le tollé déclenché
par le dire présidentiel.
Quant
au serpent de mer du financement de la suppression de
la taxe foncière, il a donné matière
à toutes les hypothèses de la part de
nos dirigeants, au point qu'on est bien incapable de
savoir laquelle percera...à moins qu'on ne recoure
à une addition de gestes fiscaux. L'un d'entre
eux semble avoir vécu pourtant, l'augmentation
des droits de mutation à titre onéreux,
improprement appelés " frais de notaire
": de cette voie, on ne reparle pas, alors que
plusieurs membres du gouvernement la trouvaient pertinente.
Passons sur le CITE (crédit d'impôt pour
la transition énergétique), dont les contours
ont bougé dix fois avant de se stabiliser. Pour
combien de temps?
Cette
saga pourrait distraire les Français si l'objet
n'était pas sérieux. Or il l'est: la fiscalité
n'est pas un jeu, auquel s'amuserait l'État,
en se demandant ce qui peut rapporter plus le plus rapidement
possible. C'est un mécanisme de pilotage des
choix des acteurs économiques, ainsi qu'un levier
de correction des inégalités. En clair,
il faut une authentique réflexion fiscale d'ensemble,
avec de la hauteur, et l'on ne saurait améliorer
la fiscalité en la retouchant de manière
ponctuelle. L'exécutif est même coupable
d'une autre faute: au-delà de croire qu'on peut
agir de façon impressionniste et constater ensuite
quel tableau apparaîtra, il s'offre le luxe d'inquiéter
sans cesse les ménages et les entreprises de
l'immobilier. À une fiscalité déjà
malade depuis des lustres d'illisibilité, de
complexité et d'instabilité, nos gouvernants
ajoutent le sentiment que tout cela ne compte pas, mérite
le traitement le plus léger et le plus inconséquent,
et que l'humeur est un ressort des décisions
politiques. Il faut relire Maurice Allais, prix Nobel
d'économie en 1988, qui explique dans Pour une
réforme de la fiscalité quels sont les
sept vertus d'un bon impôt: la septième
vertu est l'absence d'arbitraire et la transparence.
C'est cette impression d'arbitraire et d'amusement qui
est insupportable. À elle seule elle peut casser
la dynamique d'investissement des familles dans l'immobilier.
Un
autre principe, qu'il n'est pas besoin d'être
titulaire d'un prix Nobel pour édicter, consiste
à rappeler qu'il n'est pas superfétatoire
de réfléchir avant de parler.
Par
Henry
Buzy-Cazaux, président de l'Institut
du Management des Services Immobiliers (IMSI)
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